
Contrairement à une idée reçue, l’improvisation musicale n’est pas l’art de « jouer n’importe quoi », mais une discipline de l’esprit basée sur des contraintes créatives, dont les bénéfices s’étendent bien au-delà de la scène.
- Elle repose sur un langage structuré et une écoute active, transformant les règles en tremplin pour la créativité.
- Elle active l’état de « flow », un puissant entraînement pour la neuroplasticité et l’agilité mentale.
Recommandation : Envisagez l’improvisation non comme un objectif artistique, mais comme un exercice pratique pour renforcer votre confiance, votre prise de décision et même votre management d’équipe.
Face à un instrument, la peur de la « note fausse ». Dans une réunion de brainstorming, l’angoisse de la « mauvaise idée ». Ces deux situations, en apparence si différentes, partagent une racine commune : la crainte de l’imprévu, la panique face à l’inconnu. Nous admirons les musiciens qui improvisent avec une aisance déconcertante, persuadés qu’il s’agit d’un don mystérieux, une sorte de magie inaccessible au commun des mortels. On nous conseille de « lâcher prise », de « laisser parler l’inspiration », comme si la créativité pouvait jaillir du vide.
Mais si cette vision était fondamentalement erronée ? Et si l’improvisation n’était pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une discipline rigoureuse ? Si la véritable clé n’était pas l’absence de règles, mais l’art de jouer avec des contraintes pour libérer son potentiel ? L’improvisation musicale est bien plus qu’une simple technique artistique. C’est un langage qui s’apprend, un état d’esprit qui se cultive, et surtout, un formidable entraînement pour notre cerveau. C’est une compétence de vie essentielle, capable de transformer notre rapport à l’erreur, de développer notre agilité mentale et de réinventer notre façon de collaborer.
Cet article vous propose de plonger au cœur de cet art de l’imprévu. Nous allons déconstruire les mythes, explorer les mécanismes neurologiques fascinants à l’œuvre et découvrir comment les principes d’un groupe de jazz peuvent inspirer les managers les plus innovants. Préparez-vous à changer votre regard sur la créativité et à découvrir la partition cachée de votre propre potentiel.
Pour ceux qui préfèrent un format condensé, la vidéo suivante, proposée par le pianiste et pédagogue Antoine Hervé, offre d’excellents conseils pratiques pour faire ses premiers pas dans l’art de l’improvisation.
Afin de naviguer aisément à travers les différentes facettes de ce sujet, de la théorie à la pratique et jusqu’à ses applications inattendues, voici le plan de notre exploration. Chaque section est une étape pour comprendre comment cette pratique peut concrètement enrichir vos compétences.
Sommaire : Explorer les multiples facettes de l’improvisation et ses bienfaits
- Improviser n’est pas « jouer n’importe quoi » : la vraie différence avec la simple mémorisation
- Osez vous lancer : 3 exercices simples pour votre toute première improvisation
- Jazz, rock, musique indienne : comment différentes cultures abordent l’art de l’improvisation
- Le cerveau en « flow » : la science de ce qui se passe dans la tête d’un musicien qui improvise
- Et si vous managiez votre équipe comme un groupe de jazz ?
- Pourquoi apprendre la musique est-il le meilleur entraînement possible pour votre cerveau ?
- Arrêtez d’imiter vos héros : 5 étapes pour trouver votre propre son
- La musique, la meilleure nourriture pour votre cerveau : comment le son stimule la neuroplasticité
Improviser n’est pas « jouer n’importe quoi » : la vraie différence avec la simple mémorisation
Le plus grand malentendu concernant l’improvisation est de la confondre avec une anarchie musicale. En réalité, c’est tout l’inverse. Improviser, ce n’est pas jouer sans règles, c’est maîtriser les règles si profondément qu’on peut jouer avec elles. Alors que la mémorisation est un acte de reproduction fidèle d’une partition, l’improvisation est un acte de création en temps réel au sein d’un cadre défini. Ce cadre, c’est le « langage » de la musique : une grille d’accords, un rythme, un thème. L’improvisateur est un conteur qui invente une histoire sur-le-champ, mais en utilisant une grammaire et un vocabulaire que ses partenaires et son public comprennent.
Cette distinction est fondamentale. Elle déplace l’improvisation du domaine du « don » à celui de la « compétence ». Comme l’exprime le musicien André Manoukian, dont le parcours a débuté par le piano classique, sa rencontre avec le jazz fut une révélation : « Pour moi c’était Jean-Sébastien Bach avec du rythme ! ». Cette prise de conscience souligne que même les musiques les plus libres reposent sur une structure solide. C’est cette importance qui a conduit le Ministère de la Culture à lancer une mission officielle en France. Depuis février 2024, une mission a été confiée à André Manoukian pour promouvoir l’improvisation dans les conservatoires, reconnaissant son rôle crucial dans une éducation musicale complète.
Loin d’être l’opposé de la discipline, l’improvisation est un dialogue créatif avec la contrainte. La grille d’accords n’est pas une prison, mais un terrain de jeu. Le rythme n’est pas un métronome tyrannique, mais le pouls partagé qui permet au dialogue de s’installer. Pour le musicien, cela signifie qu’il n’a pas besoin d’attendre une inspiration divine, mais de s’appuyer sur le cadre pour construire son discours.
Votre feuille de route pour une improvisation structurée
- Définir le squelette : Identifiez la grille harmonique (la suite d’accords). C’est votre carte, les points de passage obligés de votre voyage musical.
- Établir le pouls commun : Fixez le tempo et la structure rythmique. C’est le langage non verbal qui synchronise tous les musiciens.
- Intérioriser le récit : Apprenez et comprenez le thème mélodique principal. C’est le point de départ et de retour de toutes vos explorations.
- Planifier les transitions : Mettez en place des signaux visuels ou sonores clairs (un regard, un accord spécifique) pour indiquer les changements de section (solos, retour au thème).
- Pratiquer l’écoute active : Concentrez-vous autant sur ce que jouent les autres que sur ce que vous allez jouer. La meilleure idée est souvent une réaction à celle d’un partenaire.
Comprendre cela est la première étape pour démystifier la pratique et oser faire le premier pas. L’improvisation n’est pas un saut dans le vide, mais une conversation passionnante avec des règles connues.
Osez vous lancer : 3 exercices simples pour votre toute première improvisation
La théorie est une chose, mais la plus grande barrière à l’improvisation reste psychologique : la peur du jugement, de l’erreur, du silence. La clé pour surmonter ce blocage est de transformer la pratique en un jeu, en une exploration sans enjeu. L’objectif n’est pas de produire un chef-d’œuvre, mais de rétablir la connexion intuitive avec son instrument. Oubliez la performance et concentrez-vous sur le dialogue. Voici trois exercices très simples, conçus pour dédramatiser vos premières tentatives, quel que soit votre instrument.
Le premier pas est souvent le plus difficile. L’important est de se donner le droit à l’expérimentation, de se concentrer sur le processus et non sur le résultat. C’est dans ce moment de découverte que la confiance commence à naître.

Comme on le voit sur cette image, la concentration est totale, mais elle est tournée vers l’intérieur, vers la sensation et l’écoute. C’est cet état d’esprit qu’il faut rechercher. Voici comment le provoquer :
- Le jeu de la question-réponse : C’est l’exercice le plus simple. Jouez une phrase musicale très courte et simple (la « question »). Faites une pause, puis jouez une autre phrase qui lui répond (la « réponse »). La réponse peut être une variation, un contraste, ou une imitation. Vous pouvez faire cet exercice seul ou avec un autre musicien. Il vous force à penser en termes de dialogue et non de monologue.
- L’improvisation sur une seule note : Choisissez une seule note sur votre instrument. Votre défi est de la rendre la plus expressive possible en jouant uniquement sur le rythme, l’intensité (fort/doucement), la durée et les silences. Cet exercice vous libère de la pression de « trouver les bonnes notes » et vous fait prendre conscience que le rythme et la nuance sont aussi importants que la mélodie.
- La contrainte de la gamme pentatonique : Sur un piano, ce sont les touches noires. Sur une guitare, il existe des schémas très simples. La gamme pentatonique (5 notes) a une qualité magique : toutes ses notes sonnent bien ensemble. Trouvez un accompagnement simple (une vidéo YouTube, une application) et explorez librement cette gamme sans craindre la fausse note. C’est le terrain de jeu idéal pour gagner en confiance et développer son vocabulaire mélodique.
Pour que ces exercices portent leurs fruits, il est crucial de vous rappeler que le but est de jouer, pas de performer.
Une fois que vous vous sentez plus à l’aise, n’hésitez pas à vous rendre dans une jam session. De nombreux lieux en France, notamment à Paris, proposent des sessions pour débutants, comme les ateliers du 38 Riv’ ou les scènes ouvertes de La Mazane. C’est le meilleur moyen de mettre en pratique l’écoute et l’interaction.
Jazz, rock, musique indienne : comment différentes cultures abordent l’art de l’improvisation
Si le jazz est souvent considéré comme le royaume de l’improvisation, il est loin d’en avoir le monopole. En réalité, l’art de la création spontanée est un langage universel qui prend des accents très différents selon les cultures. Comprendre ces approches variées permet de réaliser que l’improvisation n’est pas un style, mais une approche fondamentale de la musique qui repose sur un équilibre entre structure et liberté. Chaque culture a simplement développé ses propres « règles du jeu ».
Dans le jazz, l’improvisation se base principalement sur la structure harmonique (la grille d’accords). Chaque soliste réinterprète le thème à tour de rôle, en s’appuyant sur cette progression. Dans le rock et le blues, l’improvisation est souvent plus centrée sur des « riffs » (motifs mélodiques ou rythmiques) et l’énergie collective. Le solo de guitare emblématique est un moment de liberté, mais il reste ancré dans la tonalité et le rythme du morceau. La musique traditionnelle indienne, quant à elle, offre un système complètement différent. L’improvisation ne se base pas sur des accords, mais sur un « raga » (un cadre mélodique avec ses propres règles et émotions associées) et un « tala » (un cycle rythmique complexe). Le musicien explore le raga pendant de longues minutes, voire des heures, dans une construction très progressive.
Ces exemples montrent que l’improvisation est toujours un dialogue avec un cadre. Ce qui change, c’est la nature de ce cadre : harmonique, mélodique, ou rythmique. Le métissage de ces approches est d’ailleurs une source d’innovation musicale infinie.
Étude de Cas : Ibrahim Maalouf et le métissage culturel
Le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf est l’exemple parfait de cette fusion des mondes. Grâce à la trompette à quarts de ton inventée par son père, il peut jouer les modes de la musique arabe (les « maqamat »), inaccessibles sur une trompette occidentale classique. Son art consiste à improviser en utilisant l’expressivité et les inflexions mélodiques de la tradition orientale sur les structures harmoniques du jazz occidental. En faisant cela, il ne se contente pas de juxtaposer deux styles ; il crée un langage entièrement nouveau, une musique inclusive qui démontre que les cadres de l’improvisation peuvent être combinés pour repousser les frontières de la créativité. Son succès en France et à l’international prouve la puissance de ce dialogue interculturel.
Cette richesse culturelle nous enseigne une leçon essentielle : .
Observer comment différentes traditions musicales résolvent le paradoxe de la « liberté structurée » est une source d’inspiration immense, non seulement pour les musiciens, mais pour quiconque cherche à innover dans un cadre donné.
Le cerveau en « flow » : la science de ce qui se passe dans la tête d’un musicien qui improvise
Que se passe-t-il exactement dans notre cerveau lorsque nous sommes totalement absorbés par une activité, au point de perdre la notion du temps ? Cet état, c’est le « flow », un concept développé par le psychologue Mihály Csíkszentmihályi. L’improvisation musicale est l’une des activités les plus propices à l’atteinte de cet état mental optimal. Quand un musicien improvise, son cerveau entre dans un mode de fonctionnement tout à fait particulier, un véritable ballet neuronal qui explique cette sensation de fluidité et de créativité décuplée.
Comme le définit son théoricien, le flow est un état d’engagement total :
Le flow est un état mental atteint par une personne lorsqu’elle est complètement plongée dans une activité et qu’elle se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement. C’est une absorption totale de la personne par son occupation.
– Mihály Csíkszentmihályi
Les études en neurosciences montrent que, durant l’improvisation, une zone du cerveau appelée le cortex préfrontal dorsolatéral, associée au contrôle de soi et à la planification consciente, voit son activité diminuer. En parallèle, le cortex préfrontal médian, lié à l’expression de soi et à l’autobiographie, s’active. Autrement dit, le cerveau met en veille notre « censeur interne » pour laisser place à une expression plus spontanée et personnelle. L’attention n’est plus dispersée mais focalisée sur l’instant présent, permettant une prise de décision ultra-rapide et intuitive. C’est un véritable entraînement à l’agilité mentale.
Cette stimulation intense a des effets bénéfiques mesurables sur le long terme. Une étude suisse a par exemple démontré l’impact de la pratique musicale sur les capacités cognitives des seniors. Les scientifiques ont découvert qu’après seulement six mois de cours, il y avait en moyenne 6% d’amélioration des performances cognitives chez les participants, notamment en ce qui concerne la mémoire de travail. L’improvisation, par son exigence de réactivité et d’adaptation constante, est un exercice de neuroplasticité de premier ordre.
Comprendre les mécanismes cérébraux du "flow" permet de voir l’improvisation non plus comme un acte magique, mais comme un processus neurologique observable et entraînable.
Cet état n’est pas réservé aux musiciens de génie. Il est accessible à quiconque trouve le juste équilibre entre le niveau de défi de la tâche et son propre niveau de compétence. C’est cet équilibre délicat que les exercices pour débutants cherchent à établir.
Et si vous managiez votre équipe comme un groupe de jazz ?
L’idée peut paraître saugrenue, et pourtant, les parallèles entre le fonctionnement d’un quartet de jazz en pleine improvisation et celui d’une équipe agile et innovante sont saisissants. La métaphore du « leadership de jazz » gagne en popularité dans le monde du management, car elle offre un modèle puissant pour naviguer dans un environnement professionnel complexe et imprévisible. Oubliez la hiérarchie rigide et la planification à outrance ; le jazz nous enseigne l’art de l’intelligence collective en temps réel.
Dans un groupe de jazz, il n’y a pas un seul chef. Le leadership est partagé et tournant. Le pianiste peut proposer une nouvelle direction harmonique, le batteur peut changer le rythme, et le saxophoniste prend le devant de la scène pour un solo. Chaque membre est à la fois leader et suiveur, en état d’écoute active permanente. Le but n’est pas de suivre un plan à la lettre, mais de « servir la musique », c’est-à-dire l’objectif commun. Cette dynamique repose sur des piliers directement transposables en entreprise :
- L’écoute active : Écouter pour comprendre et rebondir, pas seulement pour attendre son tour de parler.
- Le droit à l’initiative : Chaque membre est encouragé à proposer des idées (un « solo ») tout en restant connecté au cadre commun (la « grille »).
- La confiance mutuelle : Chaque musicien fait confiance aux autres pour assurer la cohésion de l’ensemble, même pendant les prises de risque individuelles.
- La valorisation de l’erreur : Une « fausse note » n’est pas une catastrophe, mais une opportunité, une information inattendue qui peut être intégrée et mener le groupe vers une nouvelle idée.
Cette vision d’une collaboration fluide et réactive est au cœur du concept d’entreprise libérée, qui a vu des applications concrètes et réussies en France.
Étude de Cas : Le modèle FAVI et Michelin en France
L’entreprise française FAVI, une PME spécialisée dans la fonderie, est un cas d’école. En supprimant la hiérarchie rigide au profit de la confiance et de l’autonomie des équipes, l’entreprise a obtenu des résultats spectaculaires : absentéisme quasi nul et bénéfices en forte hausse. De même, Michelin a expérimenté avec succès un modèle d’auto-organisation de ses équipes de production. Ces entreprises n’ont pas fait qu’aplatir l’organigramme ; elles ont mis en place les principes du jazz : un leadership tournant, une écoute active et la valorisation des initiatives individuelles au service d’un objectif collectif clair. Les résultats prouvent que ce modèle favorise l’engagement, la productivité et l’innovation.
Adopter cette perspective, c’est comprendre que .
Manager comme un groupe de jazz, ce n’est pas prôner le chaos, mais créer un cadre de confiance si solide que l’imprévu devient une opportunité et l’intelligence collective, le principal moteur de la performance.
Pourquoi apprendre la musique est-il le meilleur entraînement possible pour votre cerveau ?
Si l’improvisation est un sprint pour l’agilité mentale, la pratique musicale régulière est un véritable marathon pour la santé cérébrale. Apprendre à jouer d’un instrument est l’une des activités les plus complètes et exigeantes pour notre cerveau. Elle mobilise simultanément la motricité fine, l’ouïe, la vue, la mémoire, l’émotion et la coordination. Cet entraînement holistique ne se contente pas d’améliorer des compétences isolées ; il modifie littéralement la structure et le fonctionnement de notre cerveau.
Comme l’explique le neuropsychologue Hervé Platel, « la pratique musicale est peut-être l’activité qui engendre la stimulation la plus complète de notre cerveau. » Les neurosciences ont confirmé ces observations par l’imagerie cérébrale. L’apprentissage d’un instrument renforce les connexions neuronales et augmente la densité de la matière grise dans plusieurs zones clés. Un des effets les plus remarquables concerne le corps calleux, le « pont » de fibres nerveuses qui relie les deux hémisphères du cerveau. Selon des études, une formation musicale débutant avant l’âge de 7 ans améliore significativement la connectivité de cette structure, favorisant une meilleure communication entre le cerveau logique (gauche) et le cerveau créatif (droit).
Cette stimulation va bien au-delà des compétences purement musicales. Elle a un impact direct sur les capacités cognitives générales, comme le raisonnement, la mémoire et la concentration. L’exemple du dispositif « Orchestre à l’école » en France est une démonstration éclatante de ces bénéfices.
Le dispositif ‘Orchestre à l’école’, soutenu par l’Éducation nationale française depuis 1999, propose à près de 40 000 élèves une pratique musicale collective intégrée au temps scolaire. Les bénéfices observés sont multiples : amélioration de l’intégration sociale, renforcement de la confiance en soi, et développement de la concentration, de la rigueur et de la discipline, tout en explorant la créativité collective.
– Orchestre à l’école
Cet investissement dans le développement cognitif et personnel des enfants montre que la musique n’est pas un simple « plus » extrascolaire, mais un outil pédagogique fondamental. Chaque heure passée à déchiffrer une partition, à coordonner ses mains ou à jouer en groupe est un exercice de fitness pour le cerveau, dont les bienfaits se répercutent dans toutes les autres matières et sphères de la vie.
En définitive, la pratique musicale est un investissement direct dans notre capital cognitif, à tout âge.
Il n’est jamais trop tard pour commencer. Chaque nouvelle mélodie apprise, chaque rythme maîtrisé, est une nouvelle connexion créée dans le réseau complexe de notre cerveau.
Arrêtez d’imiter vos héros : 5 étapes pour trouver votre propre son
Au début de tout parcours artistique, l’imitation est une étape naturelle et nécessaire. On apprend en copiant les maîtres. Mais vient un moment où cette imitation devient une limite, un carcan qui empêche l’émergence d’une voix personnelle. Trouver son « propre son », sa signature sonore unique, est le véritable objectif de tout créateur. Cela ne signifie pas réinventer la roue ou rejeter en bloc ses influences. Au contraire, il s’agit d’entamer un dialogue créatif avec son héritage pour en extraire quelque chose de neuf et d’authentique.
Le piège est de rester un simple interprète, même en improvisation. On peut parfaitement improviser « à la manière de » John Coltrane ou de Jimi Hendrix, en utilisant leur vocabulaire et leurs phrases types. La véritable démarche artistique commence quand on se demande : « Qu’est-ce que MOI j’ai à dire avec ce langage ? ». L’artiste français Serge Gainsbourg était un maître dans cet art du « braconnage artistique », capable de puiser dans la musique classique ou le reggae pour créer une œuvre incontestablement sienne. Il ne copiait pas, il transfigurait.
Ce processus de transformation est un cheminement introspectif. Il s’agit moins d’apprendre de nouvelles techniques que de se connecter à sa propre sensibilité, à ses propres histoires, pour les infuser dans sa musique. C’est un acte de vulnérabilité et de courage.

Pour passer de l’imitation à la création, voici une démarche en cinq étapes :
- Déconstruire ses idoles : Au lieu de simplement jouer leurs morceaux, analysez-les. Quels accords utilisent-ils ? Quelles sont leurs particularités rythmiques ? Comprendre leur « grammaire » vous permet de vous l’approprier au lieu de la subir.
- Le carnet de « vols » : Tenez un journal où vous notez les « idées » que vous aimez chez les autres : un enchaînement d’accords, un rythme, une sonorité. L’objectif n’est pas de les copier, mais de constituer votre propre palette de couleurs.
- La « trahison » créative : Prenez une idée que vous avez « volée » et transformez-la délibérément. Changez le rythme, modifiez un accord, appliquez-la à un style complètement différent. C’est en déformant le modèle que votre propre voix commence à émerger.
- Imposer des contraintes absurdes : Forcez-vous à créer avec des limites inhabituelles. Par exemple, composez un morceau en utilisant seulement trois notes, ou improvisez sur un rythme que vous ne maîtrisez pas. La contrainte force l’inventivité.
- Connecter la musique à une intention : Avant de jouer, demandez-vous : « Quelle émotion ou quelle histoire je veux raconter ? ». Ancrer votre musique dans une intention personnelle est le moyen le plus sûr de la rendre unique.
Étude de Cas : Christine and the Queens et le dialogue avec l’héritage
L’artiste Héloïse Letissier, alias Christine and the Queens, est une illustration parfaite de ce processus. Fortement influencée par des icônes comme David Bowie ou Michael Jackson, ainsi que par la chanson française, elle n’a jamais cherché à les imiter. Elle a créé un personnage et un son uniques en fusionnant pop, danse et théâtre, réinterprétant ses influences à travers le prisme de ses propres questionnements sur le genre et l’identité. Elle a réussi à séduire un public international précisément parce qu’elle n’était pas une simple copie, mais une proposition artistique singulière et personnelle. Elle a « trahi intelligemment » ses héros pour devenir elle-même une icône.
Ce voyage vers l’authenticité est un processus continu, où .
Votre son unique n’est pas quelque chose que vous trouverez à l’extérieur, mais quelque chose que vous révélerez en vous, en dialoguant avec le monde.
À retenir
- L’improvisation n’est pas une absence de règles, mais un dialogue créatif avec une structure (harmonie, rythme).
- La pratique musicale active l’état de « flow », un puissant entraînement pour l’agilité mentale et la neuroplasticité.
- Les principes de l’improvisation (écoute active, leadership partagé) sont directement applicables au management et au travail d’équipe.
La musique, la meilleure nourriture pour votre cerveau : comment le son stimule la neuroplasticité
Au-delà de l’entraînement cognitif, la musique agit comme un véritable baume pour le cerveau, capable de stimuler sa capacité à se réorganiser et à créer de nouvelles connexions tout au long de la vie : la fameuse neuroplasticité. Cette propriété est au cœur des stratégies de prévention et de rééducation face au vieillissement cérébral et aux maladies neurodégénératives. Loin d’être un simple divertissement, la musique, et en particulier la pratique active, devient un outil thérapeutique puissant.
Comme le résume Nicolas Farrugia, chercheur en neurosciences, « la neuroplasticité cérébrale peut être exploitée par l’apprentissage musical. Le fait d’apprendre un instrument va modifier les connexions dans le cerveau ». Cette « re-programmation » est particulièrement visible dans les applications de la musicothérapie. Des études montrent que la pratique régulière d’activités musicales chez les personnes âgées est associée à un ralentissement du déclin cognitif et à de meilleures performances en mémoire à long terme. La musique agit comme un stimulant qui maintient le cerveau actif, flexible et résilient.
Les applications concrètes en France, notamment via la Fédération Française de Musicothérapie et les nombreuses initiatives en EHPAD, montrent des résultats particulièrement encourageants pour des pathologies spécifiques. La musique devient alors un langage alternatif lorsque les mots font défaut, un moyen de se reconnecter à ses émotions, à ses souvenirs et aux autres.
Pour les patients atteints de la maladie de Parkinson, la musicothérapie aide à stabiliser les troubles moteurs ; le rythme synchronise les mouvements et améliore l’équilibre. Pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, elle peut raviver des souvenirs que l’on pensait perdus, car la mémoire musicale est souvent préservée. En stimulant la production de dopamine, elle agit directement sur le circuit du plaisir et du bien-être, réduisant l’anxiété et les troubles du comportement.
– Applications de la musicothérapie en France
Pour bien saisir la portée de ces applications, il est essentiel de comprendre comment le son agit comme un catalyseur de la plasticité cérébrale.
Que ce soit pour développer l’agilité mentale d’un manager, la confiance d’un musicien amateur ou pour maintenir les capacités cognitives d’un senior, l’improvisation et la pratique musicale se révèlent être bien plus qu’un art : une véritable discipline de soin pour le cerveau, accessible à tous.